Sur le chemin

Est-ce toi que je vois, blafarde, sur le chemin

Est-ce toi qui flottes ainsi, somnambule

Est-ce toi qui assassines et qui enlace

 
Vas-tu laisser ce fardeau et tenir ma main un instant

Ou bien recueillir mon sang dans tes mains en coupe

Vas-tu lever tes yeux clairs

Ou les plonger dans ces entrailles

 
Choisis donc la tourbe ou l’eau claire

Etends-toi enfin sur ce lit

Laisse moi courir loin devant

Et fuir mes restes encore fumants




—> Pour écouter la chanson sur sound cloud  <—

Racine

A l’entour de ma fuite

Dans le Paysage flou

Et parmi les bruissements

Je perçois des notes de ta voix

Je fais quelques pas

Je m’égare un peu et je me languis

 
Mais la vague dans les branches

Me berce et m’apaise

Alors je vois ton épaule nue

Dans les brindilles, l’humus,

L’arrondi d’un champignon

Et ton rire qui secoue les feuilles

 
Ton odeur qui flotte dans la pluie battante

Je croque un fruit, ton sucre et ton sel

Tends moi ta main, serre fort

Couche moi dans la terre meuble

Qu’elle me couvre et s’endorme sur moi

Ta peau dans la pénombre

 
Et ton regard fuyant

Là, je m’enracine tandis que tu te détournes

Et je m’efface doucement

Mangé par une saison, puis deux

Et puis d’autres innombrables

Chaque jour un autre moi te cherche

 
Mais je sais où je suis vraiment …

 
Je suis enfouis là, dans l’ombre

À rêver de ta chair tendre

Et de tes baisers brûlants

Entre les racines d’un arbre millénaire

Et mes soubresauts amusent

Un scolopendre et un cloporte





Océan

Au loin, l’horizon porte ta vue

Le long de la ligne tranquille

Postée là, vigie mouvante,

Les courants furieux lèchent tes chevilles

 
Sous tes cheveux saturés d’embruns

Tournoient et palpitent l’acier et l’argent

Qui nagent au fond de ton esprit océan

Leurs ouïes béantes respirent tes pensées

 
Leurs yeux te montrent l’univers grandiose

Et tu plonges dans l’infini bleuté,

Suis la farandole délirante des vagues musculeuses

Enroule dans l’eau et dans l’air ton corps délicieux

 
Dans le roulis aérien du vent qui s’égare

Tu te répands en ondulations, en arabesques

Ton esprit court le long du rivage

Puis tu murmures ton nom dans les plis d’un rocher

Le souffle

C’est la nuit sous les grands arbres

Quand tu viens, les pieds nus

Sans un bruit, tu tournes et tu as faim

 
Pourquoi est-ce moi que tu envisages ?

Et pourquoi te penches-tu sur moi,

Si froid et si aride, dans un craquement d’os ?

 
Moi qui suis à peine

Moi qui effleure le monde

Moi qui voulais toucher le ciel

 
Tu souffles et je m’en vais.

Au matin, c’est éparpillé sur la mousse,

Que je verrai le jour



Le monde dans une flaque d’eau

Toute cette agitation muette

La nuit quand la réalité dort

Tranquille et aveugle

Je me suis vu ramper vers elle

 
Froid comme la mort

Attiré par la lumière

Phalène avide, brutale

Ou serpent sinueux

 
Je me suis vu léviathan grandiose

Dévorer ce monde vain

De soubresauts vaniteux

Et de créatures pitoyables

 
Et puis, ne pouvant me soustraire

Au grotesque de ma condition

Puisqu’on est jamais assez grand

J’ai mis le monde dans une flaque d’eau




Le cavalier mélangé

L’air est lourd sur la lande

Le soir tombe et le vent s’étouffe

Dans sa propre tourmente

Et offre le monde à la pesanteur

 
Toi tu as oublié de nourrir les bêtes

Tu as laissé crever la terre à tes pieds

Et ton berceau est nauséabond

Ce soir, tu souperas d’un peu de néant

 
Et le ventre bien rond de ton amnésie

Gourmand encore de plus d’oubli

Tu iras t’assoupir sur ton lit de fer

Sourd au vol des corbeaux

 
Au pas lent mais sûr dans la plaine sèche

De celui qui vient avec au coeur sa mémoire

Infaillible et sans âge, ton nom gravé tout au fond

Il va tout droit sur ton corps endormi

 
Se repaitre de tes rêves

Sa monture piétinant ta chair flasque

À peine un soubresaut t’anime

Toi, coquille vide et pantin suffisant





La Tempête

Tu vois, j’y avais rangé beaucoup de choses

J’y ai caché des objets auxquels je tenais

J’ai laissé la table dressée et un feu au foyer

J’ai même rempli les verres d’un breuvage sucré

Aux murs il y avait des photos, des dessins

Au sol, la poussière n’est pas encore retombée

 
Mais j’ai déchiré le papier sur les murs et j’ai brisé la bois

J’ai donné des coups et j’ai crié fort

Si bien que … regarde comme tout s’en va

Et j’ai senti comme tu me regardais tout ce temps

Longtemps j’ai tenu ta main chaude

 
Aujourd’hui je me demande seulement,

Toujours ma main dans la tienne,

Quel moment tu choisiras pour mordre ma chair,

De tes dents ouvrir des plaies béantes

Alors que j’observe la tempête emporter ma maison




La Sèvre

De loin on peut sentir ton parfum

Ta suavité calme a envahi la nuit

Dans la clairière, immobile

Ta sève s’échappant de toi

Et tu la laisses s’enfuir sans un mot

 
Ce n’est pas la haine qui approche

Ni la colère noire qui rampe

La faim nous taraude et il fait froid

Tu es là, trop belle pour disparaitre

Quand se tarira ton souffle blanc

 
Nous préférons te dévorer

plutôt que te voir t’effacer

Dans l’étreinte, perce-nous le coeur

Mêlons notre sang, vivants une dernière fois

Et dans l’huile de nos corps glorieux

 
Terminons-en une bonne fois.




La Boîte

 

Il y a longtemps, je suis venu

J’avais pris une boite en fer

J’y avais enfermé des trésors

Loin dans les sous bois

Puis plus loin encore

Dans des abysses végétales

 
Même les oiseaux chuchotaient

Et les branches n’osaient craquer

De peur d’éveiller d’anciennes angoisses.

Je m’étais penché là, en plein milieu du monde

Dans un trou, j’ai déposé la boite

Et la terre s’était endormie dessus

Fatigué d’être un homme

J’avais pris une boite en fer

Dedans il y avait un peu de moi

Des souvenirs en image, des goûts, des odeurs

Et puis je m’en étais retourné

Marcher avec les autres

 
Dans mon ventre noué

Le calme n’est jamais venu

La tempête gronde et brise mes remparts

Alors je retourne aux abysses

Dans la boite en fer, j’y ajoute un peu de moi

Ma rate, mon foie, mon coeur et mes reins.

La Balançoire

 

Toi en équilibre sous le brasier

Te balançant sans songe ni soucis

Et moi qui entends les derniers vestiges

De mes jeux innocents et simples

Qui craquent et qui crient dans les flammes


Je crains encore de me brûler

De sentir ma peau fondre et se fendre

Et toi qui bascules, incandescence éphémère


Et si l’insouciance c’était de se laisser manger par le feu ?

Et s’il fallait continuer de s’émerveiller quand même,

Dévasté dans l’enfer qu’on a de ses mains allumé ?